Florent LOMBARD
CV HAL
Doctorant
Début de thèse :
Octobre 2019
Terrains d’études :
Sénégal (Estuaires du Saloum et de la Casamance)
Dynamique spatio-temporelle de la mangrove du Sénégal : Caractérisation de la résilience des espèces végétales par la modélisation spatiale des processus biologiques
Sous la direction de :
Julien Andrieu (Maître de conférences, HDR, Université Côte d'Azur, UMR 7300 ESPACE)
Les mangroves du Sénégal sont caractérisées par une couverture partielle de l’estran. En effet, proportionnellement à la salinité des eaux et des sols, la part haute de l’estran est trop salée et trop acide pour la vie des palétuviers. Ces espaces sont appelés tannes. L’interface mangrove-tannes fluctue dans le temps, en réaction aux variations de l’hydrosystème au gré des fluctuations climatiques. Les fluctuations de la limite mangrove-tanne constituent donc la plage de métastabilité et de résilience (Holling, 1978) de l’écosystème de mangrove dans les estuaires du Sénégal (Andrieu et al., 2020). En effet, la période de sécheresse, de la fin des années 60 au milieu des années 90 en Afrique de l’Ouest, (Nicholson, 2013) avec ses salinités accrues, a ainsi provoqué une conversion des surfaces de mangrove en tannes (Marius, 1985). Depuis la fin des années 1990, les précipitations sont revenues à une valeur proche de la moyenne sur le siècle (Descroix et al., 2015). Cela coïncide avec une régénération des surfaces de mangroves dans les estuaires du Sine-Saloum et de la Casamance (Andrieu et al., 2020). Le retour à des conditions de moins grande salinité sont retenues pour expliquer 90 à 95% de la dynamique progressive, le reste étant imputé aux reboisements. Concernant le principal facteur, l’analyse des processus de cette augmentation reste à élucider, tout particulièrement le rôle d’Avicennia germinans. D’une part celui-ci montre en effet des dynamiques plus complexes (Andrieu et al sous presse) et il est le grand oublié des programmes de reboisements. Une part des études scientifiques, les discours des médias et des politiques ont montré une très grande inertie dans la prise en compte de ces faits et un certain scepticisme reste lorsqu’il est affirmé que les mangroves sont résilientes et non dégradées. Cette étude s’insère dans l’objectif de renforcer la démonstration et de poursuivre l’effort pour convaincre médias et décideurs. Ceci permettra peut-être d’élaborer des stratégies de gestion plus efficace et d’entrevoir la mise en place d’une politique de durabilité de la gestion forestière.
L’évolution des surfaces avec la fluctuation de la pluviosité et l’importante contribution des régénérations spontanées des mangroves au Sénégal, témoignent de leur résilience (Andrieu et al. 2020) avec néanmoins des réponses contrastées des espèces constituant les formations végétales de mangrove. En effet, la dynamique de population d’Avicennia germinans montre une absence de régénération de l’espèce dans l’estuaire du Sine-Saloum avec une présence d’individus âgés de plusieurs dizaines d’années ou des rejets de souches suggérant une absence de reproduction depuis le début période de sécheresse. A l’inverse, Avicennia germinans contribue à la dynamique progressive de la mangrove dans l’estuaire de Casamance par un processus d’encensement impliquant la présence d’individus jeunes.
Ce travail se donne pour objectifs, d’abord, de caractériser l’évolution des surfaces de la mangrove par une analyse rétrospective. Cet exercice sera, mené selon une typologie de différentes formations végétales de mangroves ce qui n’a pas encore été réalisé sur ces espaces. Ensuite, cette étude doit permettre de caractériser, par une campagne de terrain, les processus biologiques à l’œuvre pour les différentes espèces dans les changements observés. Enfin, il s’agira, par la mise en synergie des résultats obtenus par télédétection ainsi que par l’acquisition de données botaniques et de descripteurs écologiques, d’évaluer la réaction de la mangrove aux changements de l’hydrosystème. Une modélisation couplant automate cellulaire et système multi-agent est envisagée. Cette dernière a pour objectif, d’abord, de mettre en évidence les phénomènes émergents face à la forte variabilité des écosystèmes de mangrove sénégalais. Il s’agira ensuite d’appréhender les éventuels mécanismes et effets de seuils dans l’organisation spatiale des régénérations afin d’expliquer ce contraste existant dans la dynamique des populations végétales entre les estuaires du Saloum et de la Casamance.
Références bibliographiques :
Andrieu, J., Lombard, F., Fall, A., Thior, M., Demba Ba, B., Ephrem A. Dieme, B., (2020) Botanical field-study and remote sensing to describe mangrove resilience in the Saloum Delta (Senegal) after 30 years of degradation narrative, Forest Ecology and Management, Volume 461, 117963, ISSN 0378-1127, https://doi.org/10.1016/j.foreco.2020.117963.
Andrieu, J., Lombard, F., Descroix, L., (Accepted). « La population d’Avicennia germinans du delta du Saloum est-elle relictuelle depuis la dernière période humide ? », Bois et Forêt des Tropiques, Cirad
Descroix L., Diongue-Niang A., Panthou G., Bodian A., Sané T., Dacosta H., Malam Abdou M., Vandervaere J.P., & Quantin G., (2015) — Évolution récente de la mousson en Afrique de l’Ouest à travers deux fenêtres (Sénégambie et Bassin du Niger Moyen). Climatologie. Dir. Association internationale de climatologie, p. 25-43
Holling C. S. (1978). Adaptive Environmental Assessment and Management. Chichester, UK: John Wiley and Sons
Marius C., (1985). Mangroves du Sénégal et de la Gambie : écologie, pédologie, géochimie, mise en valeur et aménagement. Paris: ORSTOM, 193, p. 357. (Travaux et Documents de l'ORSTOM; 193). Th., Sci. Nat., Université Louis Pasteur, Strasbourg, 1984/03/30, ISBN 2-7099-0780-1
Nicholson, S.E., (2013). The West African Sahel: a review of recent studies on the rainfall regime and its interannual variability (Article ID 453521) ISRN Meteorol., p. 32, 10.1155/2013/453521
Front de progression de Rhizophora mangle dans le delta du Saloum en 2018
(source : F. Lombard, 2018)