RICOCHET [2020]
Contrat | PEPS INEE NOURANAT |
Co-contractant | CNRS PEPS de l’INEE 2020 (site de présentation) |
Contrats de recherche financés
A la Recherche de l’Intégration des Connaissances dans l’Observation des CHangements Environnementaux : mise en œuvre d’une recherche-aTelier en Sibérien Orientale (Khamagatta)
Programme de recherche porté par Sébastien Gadal (Aix-Marseille Université, UMR 7300 ESPACE)
Objectifs du projet
Jusqu’à très récemment l’observation des effets liés aux changements climatiques sur les territoires arctiques et subarctiques était essentiellement l’apanage des travaux de géoscience (géophysique et climatologie) et ce n’est qu’au cours de la quatrième année polaire internationale (2007-2009) que les travaux de recherches ont commencé à mobiliser les habitants pour accroître les connaissances sur les changements climatiques dans ces régions vulnérables du globe terrestre. Lors de la quatrième année polaire ont ainsi été développées des recherches en collaboration avec les peuples autochtones dans l’idée que les habitants de ces régions aux avant-postes du changement climatique étaient sans doute les mieux placés pour observer ces dynamiques sur le temps de la vie humaine. Ce mouvement en faveur de l’intégration des connaissances locales et expérientielles existe depuis les années 2000 essentiellement dans la zone arctique Ouest (Groenland, Canada, Alaska), en revanche dans la zone arctique Est, en Russie et a fortiori en Sibérie, les démarches collaboratives et participatives pour comprendre l’évolution des changements environnementaux et sociétaux sont quasiment inexistantes (Kontar and al., 2018).
Ces approches posent cependant de nombreuses questions, scientifiques et éthiques. Au niveau scientifique, l’intégration des savoirs locaux constitue une source précieuse d’informations pour l’observation des changements environnementaux et sociaux : lorsque les données sont quasi-inexistantes ou bien lorsque les mesures que l’on peut acquérir dans un temps limité (celui d’un programme de recherche par exemple) ne sont pas suffisantes pour comprendre l’évolution sur le temps long des phénomènes. D’un point de vue éthique (mais aussi scientifique), intégrer les connaissances locales ou vernaculaires nécessite de les reconnaître non comme des connaissances anecdotiques mais comme des systèmes de savoirs sur l’environnement et les territoires, ancrés dans l’expérimentation (Descola P., 2005). On parle alors de savoirs concrets liés à des pratiques (Roué M., 2017, ; Collignon B., 2005). Reconnaître et intégrer les savoirs non-académiques et locaux nécessite alors de construire des modes de production de la recherche où les préoccupations liées aux évolutions sociales, culturelles voire aux vécus humains ne sont pas dissociées des recherches liées à l’évolution des espaces, des paysages naturels et/ou urbains. Cela implique enfin de produire une connaissance où les savoirs locaux prennent place dans le jeu plus global des systèmes d’observation scientifiques de l’espace et l’environnement.
Le terrain choisi, Khamagatta, est une commune de Sibérie Orientale, installée au bord de la Léna au Nord de Iakoutsk, la capitale de la République de Sakha qui accueille une population en pleine croissance de 335 000 habitants. C’est un territoire particulièrement sensible à différents changements majeurs et emblématiques de la fragilité des espaces arctiques : la fonte du pergélisol, l’augmentation des feux de forêts (Janiec et al., 2019), les inondations de débâcle majeures et l’érosion des berges. De nombreuses recherches prévoient une augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces phénomènes (Nakashima et al., 2012 ; Kontar et al., 2018). L’évolution de ces changements associée à une croissance urbaine et démographique rapides ainsi qu’à une planification urbaine qui n’intègre qu’à la marge la question du risque, constituent des facteurs de progression de la vulnérabilité.
Le rapport de ces sociétés à leurs environnements ne saurait toutefois se limiter à la question du risque même si ce point constitue un enjeu majeur. Ainsi dans la culture Iakoute, la Léna occupe une place centrale tant dans l’organisation du territoire, des rythmes de vie (saisonniers) que symboliques. Il remplit des fonctions vitales telles que l’alimentation en eau potable, la liaison avec le reste du territoire (fluvial en été, terrestre en hiver). Voie de communication Nord-Sud de la Sibérie, ses rives accueillent une grande partie des habitats humains : ainsi sur 960 000 personnes que compte la Iakoutie, 630 000 sont installées dans les plaines inondables, un héritage de l’époque soviétique (anciens kolkhozes) au cours duquel ce peuple semi-nomade a été sédentarisé de force sur ces espaces (Filippova and al., 2016). Au niveau spirituel, le rapport à la nature est de type animiste, la Léna est assimilée à un esprit femme et il n’est pas rare de voir posées des offrandes au bord des routes, du fleuve ou au pied des arbres afin d’apaiser cet esprit à la fois nourricier et menaçant.
On est alors amené à se questionner sur les incidences de ces changements environnementaux et sociaux liés au réchauffement climatique sur le système socio-environnemental de ces territoires de l’Arctique sibérien.
C’est au cœur de cette double exigence : l’observation des effets liés aux changements climatiques dans une région de l’arctique russe (Sibérie Orientale) et l’intégration des connaissances académiques et non-académiques que notre projet se situe. Afin d’explorer la complexité de l’évolution des phénomènes (inondations, érosion, fonte du pergélisol et intensification des feux de forêts), nous envisageons de réaliser une démarche inédite en Sibérie, un atelier de cartographie participative avec les habitants en mobilisant plusieurs disciplines de la géographie : l’analyse spatiale et la télédétection, la géomorphologie et la géographie humaine. Ces trois disciplines mobilisent plusieurs types d’échelles géographiques : celles de l’individu, du collectif, de la commune de Khamagatta et de la région de Iakoutsk. Lesquelles s’imbriquent elles-mêmes à plusieurs jeux d’échelles temporelles : les temporalités du vécu humain, à la fois cycliques (avec la débâcle) et saisonnières ; les temporalités longues des évolutions géomorphologiques et les transformations spatiales de l’environnement et des territoires.
Productions
Publications
Sébastien Gadal, Moisei Zakharov, Jurate Kamicaityte. Human perception and environmental risk index modelling with GIS in Yakutsk urban region (North-Eastern Siberia). EUGEO 2021, 8th Congress on the Geography of Europe, Charles University, Jun 2021, Prague, Czech Republic. pp.295. ⟨hal-03275119⟩
Sébastien Gadal, Moisei Zakharov, Jurate Kamicaityte, Antonina Savvinova, Yuri Danilov. Environmental Vulnerability Modeling in the Extensively Urbanized Arctic Center Integrating Remote Sensing, Landscape Mapping, and Local Knowledge. EGU General Assembly 2021, European Geosciences Union, Apr 2021, Göttingen, Germany. pp.16268, ⟨5194/egusphere-egu21-16268⟩. ⟨hal-03201641⟩
Piotr Janiec, Sébastien Gadal. A Comparison of Two Machine Learning Classification Methods for Remote Sensing Predictive Modeling of the Forest Fire in the North-Eastern Siberia. Remote Sensing, MDPI, 2020, 12 (4157), pp.1-20. ⟨3390/rs12244157⟩. ⟨hal-03083192v2⟩
Présentation des projets
Site internet présentant le projet
Équipe scientifique
Porteur du projet
Sébastien GADAL
Participants UMR ESPACE
Jean-Louis BALLAIS
Sébastien GADAL
Jurate KAMICAITYTE
Anne TRICOT
Moisei ZAKHAROV
Partenaires extérieurs